7 juin 1944
La veille, les alliés ont débarqué sur les côtes de Normandie ; cette vaste opération ne s’arrête pas au 6 juin, mais marque le début de la reconquête du territoire français occupé depuis bientôt 5 ans. Toutes les armées en attente sur le territoire anglais sont en alerte, prêtes à intervenir en appui aux troupes ayant débarqué la veille. Le challenge est d’éviter que l’armée allemande amène toutes ses forces en Normandie pour contrer l’arrivée des alliés.
La mission donnée ce jour-là au 62ème Fighter Squadron du 56ème Pursuit Group est une mission d’attaque au sol dite « Rhubarb mission»
C’est une mission par groupe de 4 avec un Leader
Zone d’action : la grande zone d’Argueil, en Normandie aux confins de la Picardie
Objectif : mission de bombardement en piqué (dive bombing misssion) sur tout véhicule ou convoi allemand convergeant du nord de la France vers la zone du débarquement en Normandie.
1st Lt
William P. CHATTAWAY
Leader du Blue Flight
2nd Lt
Donald FURLONG
Blue Flight 2
2nd Lt
William J. DAVENPORT
Blue Flight 3
2nd Lt
Alfred D. EVANS Jr
Blue Flight 4
Le lieu de départ
Récit d’un témoin oculaire( François Huet )
« Sept heures du matin, les premiers rayons de soleil annoncent une belle journée pour Héricourt-sur-Thérain à cette époque encore appelée Héricourt-Saint-Samson. Mes parents exploitent une ferme laitière, mes frères et sœur assurent la traite du matin, je suis seul à la maison, à 7h30 environ, un sifflement caractéristique d’un avion se lançant dans un piqué, suivi du crépitement des mitrailleuses me réveillent complétement…
Jeune génération de la guerre, je suis habitué à ces spectaculaires joutes aériennes souvent mortelles pour les aviateurs ; cela va des grosses « Forteresses Volantes » pourchassées par les rapides « Messerschmitt » allemands, aux combats aériens entre chasseurs belligérants…
Ce matin, c’est encore différent, de gros chasseurs-bombardiers attaquent sans relâche un convoi allemand sur la route de Villers-Vermont ; ces appareils portaient les grandes étoiles blanches américaines et de très visibles bandes noires et blanches sous les ailes et sur l’arrière du fuselage…
Pour mieux vivre cet instant, j’ouvre le vasistas du toit et grimpe dessus. Je me rappelle le bruit de l’explosion des bombes et les balles traçantes qui faisaient un véritable feu d’artifice ; dans la pâture nos chevaux affolés couraient dans tous les sens…
Les quatre puissants « Thunderbolt » (nous apprendrons leur identité après leur intervention) s’en prennent avec insistance à ces véhicules de la Wehrmacht qui semblent se diriger vers la Normandie, le lendemain du Débarquement.
Avec une discipline remarquable, les gros monomoteurs prennent la route en enfilade, lâchent leurs bombes, mitraillent, obliquent sur la gauche, passent très bas au-dessus de notre habitation, se remettent dans le sens de la route avant de recommencer la destruction du convoi ennemi, c’est leur mission ! Je ne me rends pas compte du temps qui s’écoule ; vingt minutes ? Une demi-heure ? Après une intervention sur l’objectif, un des avions se mit à fumer, il s’écarta du groupe pour disparaître vers Saint-Quentin-des-Près où nous apprendrons qu’il s’abattit, entraînant son pilote dans la mort…
Les trois autres chasseurs-bombardiers se regroupèrent et reprirent leur sarabande meurtrière… Quelques minutes après, je vois passer au-dessus de moi un de ces mastodontes en feu, puis disparaître derrière la colline. Je regagne la cuisine où mes frères et sœur étaient rentrés de la traite je leur dis que l’avion qui vient de raser la ferme brûlait et devait s’être écrasé maintenant. Ils demeurent incrédules à mes dires de gamin de 12 ans, cependant un voisin confirme bien ce que j’ai vu et ajoute que l’avion s’est « crashé » et brûle sur le chemin de Saint-Samson, à 500 m environ de notre exploitation…
Toute la famille se rend sur les lieux du drame, le gros chasseur brûle, c’est l’enfer, impossible d’approcher.
Dans la pâture, mon père découvre la verrière de l’habitacle tâchée de sang. Un de mes frères pense que le pilote, sûrement blessé, est parti se cacher dans le bois le plus proche. Nous retournons à la ferme. Cependant cela m’intrigue, je voudrais en savoir plus. A peu près un quart d’heure après notre retour, un copain veut bien m’accompagner sur les lieux du sinistre où le brasier s’éteint, c’est alors que dans les tôles d’alu tordues, calcinées, je découvre le corps carbonisé du pilote américain, c’est une horreur…
Bientôt tout le village est au courant ; les restes du pilote sont placés sous la verrière du cockpit et alors les enfants de notre petite commune viennent fleurir la tombe provisoire de notre jeune allié américain…
Corps fleuri sous le cockpit avec son avion en arrière plan
Photo prise par François Huet
La région recueillit beaucoup d’aviateurs alliés tombés en combat. Un réseau, celui de M. l’abbé Rousset, Mr et Mme Jeannot, Melle de Polignac, assurait le passage des aviateurs rescapés vers l’Angleterre via l’Espagne… Mon père m’envoya chercher l’abbé Rousset, curé de Villers-Vermont, je partis à travers champs et découvris des bombes qui n’avaient pas explosé. L’abbé revint avec moi et un aviateur américain caché chez lui ; tout ceci à la barbe des occupants nazis vite arrivés sur l’endroit, mais avec le Débarquement, ils avaient autre chose à penser et à faire que de vérifier l’identité de tout le monde.
L’aviateur identifia l’avion et trouva la gourmette gravée au nom d’Alfred D. Evans Dans l’après-midi, une chapelle ardente a été mise en place avec le grand cockpit sous lequel furent placés les restes du pilote U.S. De très nombreux bouquets bleu-blanc-rouge ornaient cette chapelle improvisée. Le lendemain, les Allemands emmenèrent le corps de l’aviateur dans un cimetière militaire de Beauvais. Les jours suivants, une messe fut dite en l’honneur et à la mémoire du 2nd Lieutenant Alfred D. EVANS, »